lundi 2 septembre 2013

Parfois j'y réfléchis. Je n'oublie jamais bien sûr, on n'oublie jamais. C'est toujours là dans un coin près à te sauter au visage, à te faire sentir différente, à te faire culpabiliser de ne pas avoir eu la même expérience douce, drôle, le même souvenir que les autres. Parce que ce souvenir-là ne devrait pas faire mal et quand tout le monde se raconte en fin de soirée arrosée, il faut mentir. Parce qu'on a honte, parce que ça impose une gène, parce que c'est socialement inadéquat de raconter ça comme ça. Pourtant, c'est la vérité. Pourquoi mentir ? Je ne veux pas qu'on soit gêné, je ne veux pas qu'on ait pitié de moi, c'est comme ça que ça s'est passé et c'est tout.
Il y a les moments où je culpabilise, où je me dis que c'est moi, que je n'ai eu que ce que je méritais, que je n'avais qu'à l'en empêcher. Mais j'ai essayé. Je l'ai repoussé, plusieurs fois, j'ai dit non, j'ai dit arrête, j'avais bu, j'avais fumé, j'étais cotonneuse, je dormais à moitié, je n'avais plus la force... C'est affreux non ? Je l'ai juste laissé faire parce que je n'avais plus la force de dire non, j'ai juste renoncé parce qu'il n'écoutait pas. Ça ne devait pas donner très envie pourtant, j'étais une espèce de pantin désarticulé, je ne réagissais à rien, je ne le touchais pas, je me laissais juste faire. Quel genre de personne faut-il être pour vouloir faire ça à quelqu'un qui n'en veut pas, qui ne réagit pas ? On s'imagine toujours que ça n'arrive qu'aux autres, que ce ne sont que des vieux tordus, drogués ou que sais-je, que c'est écrit sur leur front "Ne t'approche pas de moi, je vais te violer". Non, c'était juste un copain de mon meilleur ami. Je ne savais même pas lequel, je n'ai même pas réussi à identifier son visage avant de me réveiller à côté de lui quelques heures plus tard. Ça a du être drôle à raconter le lendemain à ses copains qui dormaient autour, quoi qu'ils ne dormaient sûrement pas tous. Moi, je me suis enfuie tôt le matin, mes chaussures et une boîte de doliprane sous le bras. J'en ai juste parlé comme ça, parce que je ne prenais pas la pilule, qu'il n'avait pas mis de préservatif, ça a fait rire mon meilleur ami qui s'est levé le lendemain matin pour aller à la pharmacie pour moi. Moi je ne voulais pas bouger, je me sentais sale et triste, tellement triste, ravagée. Je ne voulais pas sortir du lit, plus jamais. Je voulais juste qu'il soit là, lui dire "Tu sais, ton copain, je lui ai non mais il ne m'a pas écoutée", me blottir dans ses bras et dormir 1000ans.
Tout ce que je me disais c'était "Bravo, tu t'es faite baisée dans un coin comme une merde par un mec que tu ne connais pas".

J'ai mis très longtemps à envisager le mot viol. Pourtant, c'est bien ce que c'était. Je ne voulais pas, il l'a fait quand même, viol, point. Deux personnes le savent. Ma moitié a été la seule à qui j'ai pu le dire, mettre des mots, parler. Écrire c'est facile, c'est toujours plus facile, mais dire tout ça, je ne sais pas si je peux. Il arrive que je tombe sur des sites, des campagnes de pub, des images, n'importe quoi et que je me dise oui, c'est moi. J'étais vierge et j'ai été violée.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire